Parlez-nous un peu de vous, qui est Ester 414 ? Quelle est votre histoire, votre background ? Quelles sont vos ambitions et les valeurs que vous voulez apporter à votre marque ?

En 2018, ma cousine Sophie et moi même (Émilie) avions toutes les deux envie de créer des pièces qui nous ressemblaient et  nous avions vraiment eu à coeur d’aider des femmes, des enfants en difficulté à travers la création. On a commencé avec de la maroquinerie, notamment des sacs banane en cuir de mouton (le modèle 414) avec un artisan local; mais nous n’étions pas entièrement satisfaites du résultat du tannage végétal sur les peaux claires (méthode de teinture du cuir grâce à des écorces d’arbre). Nous sommes donc revenues à notre cœur de métier, le textile. J’avais des appréhensions sur le style des vêtements et le lifestyle que je voulais mettre en avant. J’avais peur que ce soit « trop » et que ce soit trop difficile à vendre. On a sorti le T-shirt Powher brodé, un t-shirt basique pour tester le marché en live puis après la chemise GUM, un modèle un peu plus mode qui a pas mal marché. Puis à partir de ce moment, on s’est dit « Allez ! Il y a pas de mal à faire les choses différemment ».

Aujourd’hui nous reversons 3 % de notre chiffre d’affaire à l’association Helped, qui vise à envoyer des enfants issus de zones reculées à l’école.

Pensez-vous avec cette collection être tombé exactement dans l’identité visuelle recherchée depuis la création de Ester 414?

La première collection est assez différente de cette dernière. La première était plus romantique, fluide et celle ci un peu plus boyish et graphique. Mais ces deux facettes font partie de ma personnalité. L’identité visuelle d’Ester se repose sur la dualité. Un univers poétique, des formes fluides, allié à un univers plus « brut », masculin, structuré.

Aujourd’hui dans la hype et lemonde de la mode en général on est souvent dans l’oversize, on favorise la technicité du vêtement avant l’esthétique, on vient surtout à ressortir d’anciens tissus et privilégier l’authenticité à travers des détails, ne serait-ce pas aussi dans l’âme de votre marque? Et donc intrinsèquement vous sentez-vous appartenir à la hype?

Je n’aime pas vraiment mettre les choses dans des cases ou dans des tendances. Je pense que la richesse de la créativité se trouve en dehors de tout ca. Mais pour répondre à la question, je privilégie l’esthétique à la technicité du vêtement. Pour moi l’oversize n’est pas une question de hype mais de confort. Je ne me suis jamais sentie à l’aise dans des vêtements trop prêts du corps. Après tout est une question d’équilibrage entre l’esthétisme, le confort et l’utilité. Porter du Ester 414 c’est se sentir libre de ses mouvements tout en étant sûre de soi.

Comment voyez-vous le monde de la mode malagasy? Quel serait sa richesse en terme de storytelling, de ressources, de culture en général?

Le monde de la mode Malgache est riche d’histoire, de savoir faire et de créativité. A Mada, on a pleins de différents savoir faire, des matériaux, des matières, des paysages propre à notre pays, une histoire à raconter au monde. Notre force c’est notre histoire ! Il faut la raconter à travers tous nos dons. D’ailleurs petit spoil, notre prochaine collection  est un storytelling sur Antananarivo.

Quel est le moment phare qu’a vécu Ester414 jusqu’à présent?

Tous nos shootings photo ou défilé sont des moments uniques qui resteront gravés en nous. Mais je pense que le moment phare reste le premier défilé. J’ai vraiment apprécié le fait de travailler avec pleins de différents artistes ; le soutien du public (je me suis dit qu’il y aurait personne et pour le coup, il y avait vraiment beaucoup de monde), le stress des coulisses, je me suis aussi découverte une passion pour la planification (ahaha). Un événement inoubliable !

La question curieuse, que beaucoup de gens se posent, pourriez-vous nous expliquer comment et où se fait la production de vos produits ?

Après avoir établi les couleurs, le moodboard, les lignes, dessiner les modèles de la nouvelle collection. Certains de nos prototypes sont faits par notre mécanicienne modèle (celle qui couds les premiers prototypes) et d’autres par moi même. Nous travaillons avec un atelier à Tana pour la confection de nos vêtements, avec un artisan en banlieue proche pour nos pièces en cuir, un atelier de raphia pour certains accessoires et un tisseur. Nous produisons à petite échelle, avec des petits ateliers malgaches en favorisant la qualité de nos pièces et en valorisant le savoir faire et la main d’œuvre locale. De la production au packaging, tout est made in Madagascar.

Que diriez-vous aux jeunes qui comme vous, souhaiteraient lancer leur marque ?

- Se focaliser sur ce qu’on veut faire et non ce qu’on ne peut pas faire.

- Il y a toujours un moyen d’arriver à nos objectifs.

- Le budget n’est pas une excuse pour faire des choses approximatives. Donnez le meilleur dans tout ce que vous faites.

- Demander de l’aide quand vous en avez besoin !

Et enfin, Ester 414 what’s next?

On prépare notre  nouvelle collection et le défilé ! Pas facile avec la situation sanitaire … Une collection qui me tient à coeur car elle parle de  Tana, de la famille, de la musique, des coiffures malgache. Elle aborde également l’appartenance à la culture malgache pour ceux qui ont vécu à l’étranger et qui ne savent peut être pas trop comment « embrace their malagasy heritage ». La préparation de cette nouvelle collection est tellement enrichissante car elle me fait découvrir pleins de belles histoires et des valeurs que j’ai envie de faire perpétuer.

3 phrases pour résumer Ester 414 : Pour ceux qui rêvent d’oser, pour ceux qui osent rêver, des rêves pour ceux qui osent ; sans oublier notre motto « C’est le moment pour lequel tu as été créé ». Nous croyons que nous sommes tous créés pour une ou plusieurs raisons et que chacun d’entre nous est utile pour faire bouger le monde. Il n’y a pas de petites raisons, une toute petite pierre jetée dans un lac, crée des ondes quand elle touche la surface de l’eau.

Votre nouvelle collection reprend plusieurs tissus, thèmes et couleurs propres à votre identité visuelle, qu’est-ce qui vous a inspiré pour cette nouvelle collection ?

Le thème de la nouvelle collection est l’exploration, d’où son nom « La baroudeuse ». Des pantalons du type safari, des grandes poches, des couleurs qui rappellent le sable, des gabardines épaisses et brutes contrastées avec des pièces plus fluides mais structurées. Une collection inspirée par le voyage et l’aventure, durant cette pandémie où toutes les frontières sont fermées et où on ne peut que rêver de nos prochains voyages. D’ailleurs les différents modèles portent le nom de villes qu’on a visité et qu’on aimerait visiter. Quand je porte les pièces de cette collection, je me sens comme une exploratrice alors que je ne vais juste qu’au supermarché.